Pourquoi aller à la troisième journée du CERA le 23 mars à Issy ?
par François Bony
L’autisme est le lieu d’une bataille. En effet, celui-ci a reçu le label: « grande cause nationale » en 2012 et dans les suites, l’H.A.S. a émis des avis sur la « scientificité » des méthodes à préconiser dans la prise en charge de ce qui était devenu un handicap (par suite d’un vote au parlement en 1996). Un député, M. Daniel F. a alors voulu faire voter une résolution pour « condamner et interdire les pratiques psychanalytiques sous toutes leurs formes dans la prise en charge de l’autisme ». Rien de moins ! Aujourd’hui l’autisme et demain ?
Il y a eu plusieurs réponses à cela. Le livre d’Éric Laurent « La bataille de l’autisme » dont le sous-titre est « de la clinique à la politique » en est une. Je ne peux que vous en conseiller la lecture.
La création du CERA en est une autre. Ici l’Etude et la Recherche sur l’Autisme sont constituées par la présentation de cas cliniques qui sont autant de démonstrations sur la manière de se faire partenaire du sujet dit autiste, pour l’aider à se produire comme sujet et pour l’accompagner dans ses inventions pour se défendre du « bruit de lalangue »[1] et du trop de présence d’un Autre non maîtrisable. Pour se faire partenaire du sujet dit autiste, il s’agit de partir d’une position de non-savoir et particulièrement de ne pas savoir à la place de l’enfant ce qui est bon pour lui. C’est donc une attitude qui part de la singularité d’un sujet en devenir et qui est à l’opposé des méthodes d’éducations thérapeutiques aux soi-disant résultats « scientifiquement prouvés » préconisées par l’H.A.S. (méthodes qui utilisent par exemple l’objet autistique comme un renforçateur pour faire entrer le sujet dans une norme). Ces méthodes protocolisées s’adaptent comme un gant aux évaluations demandées par les bureaucrates de l’administration (HAS et consorts) et leur volonté toujours plus grande de tout mesurer au sens comptable du terme, beaucoup plus que le « sur mesure » que nous proposons. De plus là où le DSM 4 met l’accent sur l’idée d’ «altérations qualitatives » de certaines « capacités » (de communication et autres), soit d’un déficit qualitatif qui va trouver son origine dans un trouble du neurodéveloppement, avec le DSM 5, nous avons plutôt l’idée que le sujet dit autiste se défend face à un en-trop de jouissance. Il y a là une position éthique à défendre.
J’ai eu la chance de pouvoir présenter un cas aux deuxièmes journées du CERA en 2022 , ce qui a été d’une grande richesse pour moi du fait des retours d’Éric Laurent. Cette année celui-ci invite tous les cliniciens ( et pas seulement ceux qui s’occupent d’autisme au sens psychiatrique du terme) à venir réfléchir en ce mois de mars, après le « Tout le monde est fou » qui nous a occupé en cette fin février avec le congrès de l’AMP, sur l’idée de l’ « autisme pour tous »[2]. Réfléchir sur « le changement civilisationnel du symptôme » avec « les petites lettres que nous a laissées Lacan ». Si l’autisme est « le statut natif du sujet », « L’autisme pour tous » est à interroger. « Peut-être que faute de s’y être arrêté nous n’en savons plus rien » poursuit Alexandre Stevens. Quelle est son actualité ? Son intérêt ?
Est-ce l’autiste qui ne nous entend pas ou nous qui ne l’entendons pas ? Ou encore nous entendons-nous, nous-mêmes[3] ?
Voilà autant de questions qui seront traitées le 23 mars à Issy, et qui font, au-delà de l’intérêt clinique, le caractère éminemment politique de cette journée quant à la présence de la psychanalyse dans la cité. J’espère donc vous y retrouver.
[1] Laurent E., La bataille de l’autisme, Navarin, 2012, p. 91.
[2] Laurent E., vidéo de présentation de la 3ème journée du CERA : https://t.co/bdeUy7Gk6k
[3] Cf Lacan J., « Conférence à Genève sur le symptôme », (1975), Bloc Notes de la psychanalyse n°5, p. 5-23, « Comme le nom l’indique, les autistes s’entendent eux-mêmes. »
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