Association de la Cause freudienne en Estérel - Côte d'azur
Le colloque
Corps parlant
La clinique psychanalytique aujourd'hui
Colloque 2023 - le 30 septembre 2023
Hôtel West End, 31 Promenade des Anglais, 06000 Nice
Participation aux frais : 30€ (15€ étudiants et demandeurs d’emploi)
Inscriptions et renseignements :acfeneca.inscription@gmail.com
Argument
Notre corps a très tôt intéressé la psychanalyse. Du symptôme hystérique compris comme signe et substitut d’une satisfaction pulsionnelle refusée, au « langage d’organe » où les innervations corporelles et la mosaïque des organes peuvent désorganiser la relation entre corps et pensée des schizophrènes, Freud a posé l’essence même de la psychanalyse : une pratique à l’interface de la parole et du corps.
Lacan cernera ensuite ce qui résulte de l’emprise du symbolique : la parole décerne un corps à l’être. Au-delà du sujet de l’inconscient, il met l’accent à la fois sur l’inconscient conçu à partir de la parole, qu’il appelle parlêtre, et sur le corps parlant, nouant la parole à la jouissance du corps.
Ce corps parlant ne se réduit pas à la somme de ses parties, ce n’est donc pas le corps biologique, que l’empire de la technique promeut. C’est un corps qui est le produit de l’impact d’un dire et dont l’unité reste problématique. En 1974 dans sa conférence à Nice, Lacan pose que « ce qu’il y a comme trou au centre du langage vaut bien ce qu’il y a comme trou au centre de ce corps, dont nous ne savons que ses proliférations imaginaires[1] ».
Un cap est franchi et les concepts sont remaniés. La pulsion s’actualise comme « écho dans le corps du fait qu’il y a un dire[2] ». Le symptôme-métaphore cède la place à une lecture du sinthome comme événement de corps. L’interprétation se fait moins déchiffrage et oracle que dire qui vise la jouissance, mode de parole qui consonne avec le réel du vivant.
À notre époque « corps parlant[3] » oriente ainsi la psychanalyse vers le traitement du « mystère […] de l’union de la parole et du corps[4] ». Mettre en avant le traumatisme provoqué par la rencontre de certains signifiants qui détermine un destin « tu seras une battante », analyser l’impact des impératifs de bien-être contemporains, préciser la fonction de l’agitation des corps si présente dans la clinique de l’enfant ou encore situer à l’heure des réseaux sociaux la place de l’image et du corps parlant, seront des pistes explorées afin d’éclairer comment jouissance de la parole et jouissance du corps peuvent être visées par un dire interprétatif.
Ce prochain colloque de l’ACF en ECA visera le réel de l’inconscient !
[1] Lacan J., « Le phénomène lacanien », Tiré à part des Cahiers cliniques de Nice, n°1, juin 1998, p. 30.
[2] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Seuil, Paris, 2005, p. 17.
[3] Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, Seuil, Paris, 1975, p. 118
[4] Miller J.-A., « L’inconscient et le corps parlant », La Cause du désir, 2014/3, n° 88.
Au risque de la folie
Colloque 2022
Argument
L’être de l’homme ne peut se saisir sans référence à sa limite, que Lacan désigne comme « risque de la folie1 ». À l’époque de la dépathologisation généralisée2, l’idée de normalité est subvertie, mais l’opinion publique évoque toujours la folie devant l’horreur de ce qui semble échapper à tout déterminisme et met à mal le lien social : crime, attentats, guerre.
Au XXe siècle, la psychiatrie a perpétué son penchant descriptif des troubles jusqu’à renoncer à toute logique d’ordonnancement, avec les différentes versions du DSM et la neutralité de l’observation érigée en idéal scientifique. Une passion de nommer qui a contaminé la civilisation où la psychopathologie envahit la vie quotidienne. Aujourd’hui, on est pervers narcissique, orthorexique, atteint de misophonie ou encore de nomophobie. Le diagnostic n’est plus l’apanage de la clinique, dans un monde où la perte de consistance du père et de sa loi a cédé la place à l’invention singulière.
Que devient alors le diagnostic en psychiatrie ? Avec le paradigme des neurosciences, un nouveau pas est franchi, consacrant la valeur du traitement chimique, déjà privilégié au détriment de la prise en compte de la parole. Dans le débat qui l’a opposé à Henry Ey, Lacan déplorait déjà cette direction organiciste qui réduisait la folie à une réalité physique, un déficit ou une lésion. Lacan y objectait le registre de la signification, irréductible à un phénomène physique, et la folie du sens. Il y ajoutera ensuite les repères de la clinique borroméenne, pour une nouvelle lecture clinique autour du réel de l'imaginaire et du symbolique, les trois grands registres du fonctionnement humain.
La clinique psychiatrique a suivi la voie de la science et des valeurs capitalistes : efficacité, traçabilité, décomptes… et délaissé peu à peu toute conception psychologique de l’humain dont la trace dans les recommandations officielles se réduit à une évocation générique sous les termes « d’axe bio-psycho-social ». L’époque de la dépathologisation de la clinique est aussi celle du démantèlement de la psychiatrie. La liberté du fou3 est-elle si insupportable qu’on veuille la faire disparaître de là où on lui donnait asile ?
Notre colloque sera l’occasion d’interroger le malaise dans l’institution psychiatrique, crise conceptuelle mais aussi dévaluation de la parole, qui risque de disparaître des lieux de soins. Si la folie trouve accueil ailleurs : rue, institutions médico-sociales ou même cabinet de l’analyste, il s’agira de montrer comment et pourquoi la psychanalyse lacanienne s’attache à repérer et à soutenir la dimension créative qui accompagne nécessairement cette « liberté », au un par un.
Francesca Biagi-Chai, psychanalyste, psychiatre des hôpitaux (CHS Paul Guiraud-Villejuif) membre de l’ECF et de l’AMP, auteure de l’ouvrage Traverser les murs4 sera notre invitée.
1 Lacan J., « Propos sur la causalité psychique » [1946], Écrits, Seuil, Paris, 1966, p. 176.
2 Cf. Miller J.-A., « Conversation d’actualité avec l’École espagnole du Champ freudien », La Cause du désir, no 108, juillet 2021, p. 37.
3 Cf. Lacan J., « Petit discours aux psychiatres de Sainte-Anne », 1967, inédit, disponible sur internet.
4 Biagi-Chai F., Traverser les murs. La folie, de la psychiatrie à la psychanalyse, Paris, Imago, 2020.
Colloque 2021
Argument
L’addiction, c'est d'abord une conduite qui peut s'avérer mortifère et qui montre combien Freud avait raison : le moi n'est pas maître en sa demeure... Il peut même devenir esclave au profit d'un produit ou d'une pensée. L'addiction témoigne d'une souffrance mais s'avère être aussi la solution précaire d'un sujet pour prendre place dans la vie.
C'est aussi l’illustration paradigmatique d'un discours : le discours capitaliste. Celui-ci traduit un bouleversement dans l'économie psychique en effectuant un véritable subterfuge. Au manque-à-être – qui signe le propre de l'humain – se substitue un manque-à-avoir, précipitant alors le sujet dans l'espérance qu'il existe un objet qui pourrait le combler. Plus de limites, plus d'impossible, mais comme le croit le joueur invétéré, la possibilité de toujours se refaire. La prévalence du discours capitaliste modifie alors profondément la façon d'être et l'inscription dans le lien social.
C'est enfin le symptôme de notre époque, caractérisée par une économie du toujours-plus avec pour conséquence un pousse-à-l’addiction généralisée. Une nouvelle forme d’économie psychique est apparue. Jusqu'alors, le sujet rêvait d'en vouloir toujours plus et se confrontait aux mécanismes venant restreindre sa jouissance. Aujourd'hui, le sujet souffre de cet en-trop de jouissance qu'il ne peut réfréner. L'illimité est devenu un signifiant-maître de notre époque.
Quelles qu'en soient les modalités, l'addiction caractérise un mode de jouissance qui interpelle quant à son traitement. Ce concept, devenu un fourre-tout qui revendique son identité, vient à la fois nommer tout en banalisant, déstigmatisant, généralisant une pluralité de modes de jouir qui convoque des réponses sociétales.
Le 9 octobre, nous tenterons donc, avec notre invitée Marie-Hélène Brousse, Psychanalyste à Paris, membre de l’ECF et de l’AMP, à la lumière de la clinique et des outils théoriques de la psychanalyse, de cerner au plus près de quoi l'addiction est-elle le nom, en ce XXIe siècle ?
Rémy Baup
Les traumatismes sexuels
Colloque 2020
Argument
L’actualité récente a dénoncé une succession de crimes et délits mettant à jour des traumatismes sexuels dont ont été principalement victimes des femmes et des enfants. La surprise qui a accompagné ces révélations tient, en grande partie, à ce que ces événements ont pu se déployer dans le plus grand silence, lié au domaine particulier dans lequel ils se situent, le champ sexuel, facilement recouvert d’un voile. Si mai 68 a constitué un tournant majeur, libérant les pratiques sexuelles et leur promotion dans les discours, il a également amené une certaine complaisance de la société sur ces actes. Aujourd’hui s’y substitue une demande insistante de judiciarisation. La sexualité se fait donc affaire publique. Au secret des confidences faites à l’analyste, s’adjoignent les mouvements collectifs de dénonciation et condamnation des comportements abusifs, provoquant de véritables réflexions là où le silence était de mise. C’est justement avec la question du traumatisme sexuel que la psychanalyse a pris naissance. Freud a révélé le caractère traumatique de la sexualité, que la menace soit extérieure ou intérieure, pulsionnelle. Lacan, à la suite, a souligné la qualité traumatique de la rencontre du réel en jeu, signant le discord entre le corps et sa jouissance. Réalité de l’abus ou trauma du sexuel en soi, c’est la multiplicité des possibles que le pluriel choisi pour le titre du colloque souligne. Que permet la psychanalyse au regard de ce besoin d’être entendu qui se manifeste si bruyamment ? Si dénoncer les crimes et les injustices demeure un enjeu social important, la psychanalyse propose à chacun, dans un au-delà, de traiter la question de la « mauvaise rencontre », de façon singulière. Nous aurons le plaisir et l’honneur d’accueillir Clotilde Leguil, psychanalyste à Paris, membre de l’ECF et Analyste de l’École en exercice, qui apportera son éclairage sur ces questions mêlant de façon inédite l’intime et le social. La journée se déroulera sous la présidence d’Éric Zuliani, psychanalyste à Nantes, vice-président de l’ECF et délégué à l’ACF, dans la perspective des 50es Journées de l’ECF, dont il est l’un des directeurs.
Ségrégations, haines, et désir de l'analyste
Colloque 2019
Argument
La psychanalyse, si elle est une expérience de l’intime, ne conduit pas l’analyste à s’isoler et à se détourner du monde. Freud, en son temps, avait ouvert la voie en s’intéressant à la dimension du collectif et de la politique. Après la première guerre mondiale une nouvelle ère commence qui verra se développer la collectivisation de masse et le remaniement des groupes sociaux sous l’effet du discours de la science qui forclôt le sujet et ouvre la voie à la ségrégation. Lacan, dans sa « Proposition du 9 octobre 1967 » l’avait anticipé et avait prédit « une extension de plus en plus dure des procès de ségrégation »1. La ségrégation féroce et aveugle, est rejet de l’Autre et vise à exclure ce qui fait effraction aux communautés soudées contre l’étranger. Humiliations, insultes, violences, trahissent la haine qui en est le moteur. Cette haine première, constitutive du sujet avant même que l’amour apparaisse, est cette part obscure logée au cœur du parlêtre qui ne se laisse saisir que dans les détours d’une analyse. La clinique lacanienne nous enseigne la puissance de cette haine de l’Autre qui n’est que l’autre face de la haine de soi qui peut conduire au suicide, au meurtre ou à l’attentat. La politique doit faire avec la haine qui se déchaîne et la psychanalyse se trouve confrontée à cette entreprise de normalisation de masse qui ne veut rien savoir du désir d’un sujet et laisse de côté « les choses de l’amour »2. C’est dans la rencontre, en chair et en os, avec un analyste, qui se situe à l’envers de cette perspective d’évacuation du réel de la jouissance, que le sujet a une chance d’apercevoir ce qui fait sa singularité absolue et d’y prendre appui, dans une perspective politique. Aux analystes d’orientation lacanienne de faire entendre la voix du désir qui, s’il ne garantit pas le bonheur pour tous, peut, au cas par cas, éloigner le feu de la haine et apporter la satisfaction. Tel sera le fil rouge de ce colloque au cours duquel nous aurons le plaisir et l’honneur de recevoir Laurent Dupont, Psychanalyste à Paris, Vice-président de l’ECF et de l’ACF, qui fera une conférence sur le thème présenté.
Chantal BONNEAU
[1] Lacan J., « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 257.
[2] Lacan J., Je parle aux murs, Paris, Seuil, 2011, p. 96.