Newsletter n°13
31 janvier 2023
En cartel, mécaniques intimes
par José Villalba
Depuis des années, le travail de cartel est pour moi l’occasion idéale de travailler un Séminaire de Lacan. Je dois avouer que lire Lacan n’a jamais été chose aisée. Au tout premier abord, la plupart des Séminaires m’ont semblé fastidieux, obscurs, voire abscons quelquefois. Je me retrouvais seul, tiraillé entre tristesse et perplexité, face à un objet insolite que je supposais renfermer des trésors de savoir infinis concernant la psychanalyse et sa pratique. Mais à chaque fois je me retrouvais pétrifié, comme face à un écran de télévision où l’image aurait été brouillée et pour lequel il fallait avoir un décodeur. Il me faudrait trouver un moyen pour appareiller mon désir parfois chancelant. Ce fut la participation à un cartel de lecture qui s’imposa, pour me contraindre tout d’abord à en acheter un exemplaire – exemplaire que j’allais méticuleusement lire, puis relire, annoter, surligner, et avec lequel je devais me familiariser avant la première rencontre avec les collègues du cartel. Les phrases énigmatiques seraient épinglées en jaune, en rose ou en vert fluo suivant des thèmes précis, le crayon gris irait caresser certaines phrases qui résistent et restent obstinément obscures. Des analyses d’une rare pertinence étaient entrevues comme des météores traversant furtivement le ciel de mon monde connu. De petits bijoux dont la fulgurance et l’éclat me fascinaient autant qu’ils m’agaçaient. Pourquoi avoir emprisonné ces pépites dans une gangue aussi épaisse ? Tant de questions surgissaient, autant sur la forme de ces phrases baroques que sur le fond !
Peu à peu, au fur et à mesure des rencontres du cartel, l’énigme devenait une partenaire qui nous entraînait dans une dialectique passionnante. Les Séminaires se prolongeaient et se répondaient les uns les autres. Une idée plantée comme une graine solitaire et fragile dans un Séminaire se déploie dans le suivant en autant de ramifications qui complexifient, précisent et enrichissent le propos de Lacan dont le fil rigoureux s’est développé tout au long de sa vie de travail acharné.
Chaque cartel est alors une occasion nouvelle de se mettre au travail en équipe, tout en restant irrémédiablement seul. Encouragé par ces rencontres toujours surprenantes et pleines d’enseignement, je réalise aujourd’hui à quel point écriture, paroles et silences se sont noués à mon corps lors de ces cartels indispensables pour me permettre de produire un texte qui rende compte de mes travaux.
Si vous aussi vous avez le désir de participer à un nouveau cartel, Chantal Bonneau, déléguée aux cartels pour l’ACF en ECA, centralise les demandes. Pour ma part, je travaillerais bien Le Séminaire, livre XIX, …Ou pire ou Le Séminaire, livre XIV, La logique du fantasme qui vient de sortir en librairie…